Chapitre 8 : Se préparer pour la couverture des catastrophes
Les agences de presse ont eu traditionnellement deux rôles d'information au cours des situation d'urgence. Le premier est de fournir aux gens l'information dont ils ont besoin pour répondre à une crise. Cette information doit être claire, rapide et sans ambiguïté. Souvent, cette information provient directement des organismes gouvernementaux, l'armée, les pompiers, la police ou d’une autre source officielle.
Le second rôle est ce que les salles de rédaction pratiquent (ou devraient pratiquer) chaque jour: partager des informations critiques de manière équitable et sans favoritisme ni préjugés.
Actuellement, il y a aussi un troisième rôle. Aujourd'hui, on apprende davantage d’une menace d'urgence a travers les réseaux sociaux. Plutôt que d'être le premier à informer sur une situation d'urgence, les salles de rédaction et d'autres organisations se retrouvent souvent agissant comme une seconde source cruciale de vérification, un filtre qui sépare le signal du bruit, et de la rumeur.
La préparation est la clé pour obtenir des informations précises pour les personnes qui la nécessitent - et pour vous assurer de ne pas propager des informations fausses.
Que pouvez-vous faire pour vous assurer d’obtenir les informations qui permettront de protéger les gens, et d'être pour eux une source de confiance pendant une période de chaos et de confusion? Dans ce chapitre, nous allons examiner quelques moyens simples pour vous et pour vos collègues de se préparer à assurer la qualité de l'information à temps en situation d‘urgence.
Éléments de préparation
La première chose à prendre en compte est de décider quel rôle informationnel votre organisation va jouer. Allez vous signaler et / ou allez vous aider la communauté en émettant des avertissements et des conseils juste à temps? L'Australian Broadcasting Corporation fait une difference entre les deux. La couverture faite par la rédaction et à travers nos émissions à la radio locale et par extension notre chaine d’information News24 émettent des avertissements et des conseils officiels dans un premier temps, et informent plus tard.
Selon la politique de l’ABC, la diffusion d'urgence consiste à transmettre des avertissements formels et officiels relatifs à une situation d'urgence, et transmettre des informations fournies par d'autres sources, y compris les appels des auditeurs, des téléspectateurs et les messages sur les réseaux sociaux. Cette politique ne s’applique pas aux « employés et contractuels de la division d’information d’ ABC (ABC News), dont la couverture des évènements de situation d’urgence est exclue."
Information locale
Une fois votre rôle défini, la prochaine étape est de fournir les informations locales nécessaires qui permettront de réagir rapidement et de comprendre les implications d'une menace potentielle. Ceci implique d’analyser quelle type de situations d'urgence sont susceptibles de se produire dans votre région, et de s'y préparer.
Quelques questions à étudier:
- Quels sont les catastrophes naturelles les plus courantes et probables qui frappent votre région?
- Quels types de crimes ou d'urgence ont tendance à se produire?
- Quelles sont les structures critiques dans la région (routes, ponts, etc.)?
- Y a t-il des organismes gouvernementaux ou des installations militaires sensibles qui pourraient être des cibles?
- Quelles sont les routes à risque ou d'autres infrastructures qui sont souvent des scénarios d'incidents d'urgence?
- Dans quels quartiers / régions sont établis des gangs, des groupes rebelles, etc.
Maintenant que vous avez identifié certaines des situations les plus probables, vous pouvez commencer à construire une liste des sources autorisées - à la fois officielles et officieuses - qui vous fourniront des informations essentielles et utiles.
Cela inclut les premiers intervenants (sont-ils sur Twitter? Facebook? Pouvez-vous élaborer une liste?), ainsi que des experts locaux dans les universités, les ONG et les bureaux du gouvernement et les responsables de communication des organismes importants, les entreprises et autres organisations.
Rassemblez les numéros de téléphone, comptes Twitter, pages Facebook et mettez le tout dans un format accessible et central, que ce soit une base de données, un tableau partagé ou d'autres moyens. Organisez vos contacts par le genre de situation où ils pourraient être plus utiles.
Bâtir des relations
Chaque journaliste ou travailleur humanitaire a besoin de contacts. Il ne s’agit pas seulement des numéros de téléphone et autres détails - les contacts doivent être des relations, des sources fiables que vous savez que vous pouvez appeler pour avoir une information de qualité. Les sources qui vous donnent confiance.
Cette confiance ne va pas se développer instantanément en cas d'urgence.
Vous devez être proactif. Si possible, répondre à vos sources face à face. Invitez-les à visiter votre salle de rédaction, bureau ou installations. Montrez-leur ce que vous faites avec l'information qu'ils fournissent. Expliquez comment vous aiderez aux gens à obtenir l’information dont ils ont besoin. Prenez le temps de leur rendre visite et de voir comment ils travaillent pendant une urgence. Prenez le temps de de comprendre leurs processus et les pressions exercées sur eux. Vous connaître personnellement vous aidera à obtenir l’information en priorité quand ils auront des demandes multiples.
De même que les relations avec le personnel clé dans les services de gestion des urgences et d'autres organisations / agences, vous devez examiner la relation que vous avez avec votre public.
Savent-ils que vous allez leur fournir des informations à temps? Savent-ils quand ils vont les entendre ou les voir? Savent-ils quels sont les services que vous fournissez - et que vous ne fournissez pas - en cas d'urgence?
Pour les salles de rédaction, les informations de préparation sont un moyen de communiquer que vous serez une source d'information qui peut les aider. Par exemple, à l'ABC, nous publions des rapports offrant un pronostique de la prochaine saison de feu , ainsi que des guides pour preparer des kits d’urgence. Ce type de contenu peut être offert par des salles de rédaction, par des organismes d'aide et d'autres organisations, et aide à préparer le terrain pour communiquer la façon dont vous pouvez être utile au public.
Il est également important d'obtenir l'information circulant dans l'autre sens aussi. Votre public et la communauté sera une précieuse source d'information importante pour vous en cas d'urgence. Encouragez votre public à appeler, à écrire par courriel ou par texte avec des informations. Cela peut commencer par informer sur les embouteillages, envoyer des photos météorologiques et d'autres informations.
Formation du personnel
À l'ABC, nous commençons par un plan de couverture en cas d’urgence. Ce plan contient des instructions claires sur la façon de traiter les annonces officielles en direct, ainsi que des informations telles que des cartes de couverture pour s’assurer que les alertes atteignent personnes touchées.
Nous avons aussi dans notre plan les informations que les présentateurs peuvent utiliser en direct pour aider les gens. L'information provient de divers organismes de gestion des urgences. Par exemple: "Remplissez votre baignoire avec de l'eau afin que vous puissiez utiliser cette eau pour éteindre les incendies si la pression de l'eau tombe,» ou «Fixez tous les protections anti-cyclone ou cartonnez ou scotchez vos fenêtres fortement exposées.»
Collecter des conseils peut faire partie de votre préparation pour inclure des informations qui peuvent être fournies au public en cas de catastrophe. Ces informations peuvent être collectés quand vous vous rapprochez de vos sources en amont.
Assurez-vous de créer des processus internes qui vous obligent à renouer des contacts avec vos sources pour vous assurer que cette information est actuelle. Cette mise à jour peut être prévue si votre zone est sujette aux urgences liées aux conditions météorologiques.
Dans le nord de l'Australie, par exemple, les cyclones sont une grande préoccupation. Ils sont aussi un peu prévisibles parce qu’il y a une saison où ils sont plus susceptibles de se produire. Avant la saison, nos plans locaux sont mis à jour, et les organismes d'urgence sont appelés à vérifier que les informations et si les contacts sont toujours corrects. Le personnel est réuni pour passer par les procédures en petits groupes.
Cela assure non seulement que l'information du plan est actuelle, mais contribue également à rétablir des relations qui peuvent avoir été négligées pendant une période de silence.
Un outil que nous avons trouvé très pratique lors de la formation du personnel sont les hypothèses fondées sur l'expérience précédente. Ceci oblige le personnel à réfléchir à ce qu'ils feraient dans ce scénario et peut parfois conduire à des discussions animées sur les meilleures pratiques. La technologie et les outils changent rapidement, donc cela peut être un excellent moyen pour s’assurer que vous êtes à jour.
Nous proposons par exemple ces hypothèses à différents niveaux:
- Que faire quand survient un événement météorologique catastrophique?
- Que faire quand on vous demande d'évacuer le studio?
- Que faire si vous êtes en train de travailler et qu’une alerte arrive?
La santé et la sécurité au travail sont des préoccupations majeures. Assurez vous que votre équipe a une formation adéquate s’ils se trouvent en zones dangereuses. En Australie, par exemple, les autorités d'incendie et d'urgence organisent des séances de formation pour les médias qui travaillent dans des zones d'incendie; les employés ne sont pas envoyés dans les zones de danger sans avoir terminé cette formation.
Les organismes de gestion des urgences organisent souvent des sessions de formation pour les médias pour former des journalistes - sur les dangers de se rendre dans un incendie, par exemple. Il peut être particulièrement important de participer à ces formations si seulement les journalistes accrédités par cette formation peuvent accéder à la zone pour couvrir l’information en zone de danger. (La formation en elle-même est une autre façon pour le journaliste de nouer des contacts au sein de l'organisation des secours et de commencer à bâtir la confiance.) Pour les organisations d'aide, la formation des personnes est particulièrement importante, car ils peuvent rester sur le terrain pendant de longues périodes de temps.
Enfin, ne négligez pas les nouveaux membres de l‘équipe. Nous avons une politique d'introduction du personnel aux procédures de diffusion d'urgence dans les deux semaines de leur arrivé. Les urgences, malheureusement, n’attendent pas une session de formation annuelle!
Communication interne
Il ne suffit pas d'avoir des voies rapides de communication avec les intervenants externes. Vous devez concevoir le flux de travail et un plan de communication pour le travail entre vous et vos collègues.
Quelques questions clés à considérer sont:
- Comment allez-vous communiquer ce que vous faites avec le reste de votre organisation?
- Qui est en charge de faire l'appel final sur ce qui sera partagé / publié / diffusé?
- Y a t-il un service payant qui doit être ouvert en cas d'urgence?
- Aurez-vous une section dédiée sur votre site?
- Qu'est-ce que votre équipe de support technique a besoin de savoir / faire? Votre équipe en charge du Web? Ceux qui gèrent les réseaux sociaux?
À ABC nous avons développé un rapport de situation qui est largement distribué à travers de notre système d'email quand il y a une situation d'urgence importante. Cela garantit que tout le monde a une idée de la menace et de la réponse de l'ABC et qui gèrera la situation d'urgence en interne.
Le "Sitrep" est un outil utile non seulement pour communiquer en interne, mais aussi pour être utilisé comme liste de contrôle pour les gestionnaires quand il y a un danger de paralysis à cause de la surcharge d'informations. [1]
Les listes de diffusion Email du personnel clé dans chaque region ont été mise en place et sont régulièrement entretenues pour assurer la facilité de la distribution. Vous pouvez également prendre en considération les listes de diffusion de SMS et d'autres façons de communiquer. (Nous utilisons Whispir, un outil e-mail / texte interne qui peut fournir des alertes d'urgence.)
Lors d'une urgence majeure, telle que les derniers feux de forets en Nouvelle-Galles du Sud (New South Wales), nous avons demandé au reste du réseau de ne pas appeler l'équipe couvrant l’urgence sur le terrain pour répondre à des interviews. Nous demandons également que les équipes en dehors de la zone touchée n’appellent pas les services d'urgence de sorte qu'ils ne soient pas surchargés. Parfois, nous assignons quelqu'un pour traiter en particulier les demandes provenant de l'extérieur afin que notre équipe puisse fournir de l'information d'urgence à la population qui se trouve sous la menace.
Quand il s’agit d'une vérification, l'élément clé à communiquer est comment le flux de travail pour combien de contenu et des informations seront recueillies, vérifiées, puis approuvés ou refusés pour publication. Qui fait la vérification et qui examine ce travail? Comment assurez-vous que chaque contenu à été examiné par plusieurs personnes, tout en vous permettant de vous déplacer rapidement et d’obtenir des informations importantes?
Les émissions post-catastrophe
Les organisations veulent toujours couvrir et répondre à une urgence au moment le plus fort de la catastrophe, mais les communautés touchées peuvent prendre plusieurs mois, voire des années, pour se rétablir. Les rédactions doivent prévoir d'être sur place à la suite de la catastrophe pour soutenir les communautés avec des informations qui peuvent être utiles. (Cela est moins problématique pour les organisations humanitaires qui ont mis cet aspect comme priorité.)
Être sur place à ce moment peut établir la confiance avec votre organisation. Une des plaintes les plus fréquentes des situations post-urgence c’est le sentiment d'abandon.
Vous devez également veiller au rétablissement de votre personnel. Un débriefing après l'urgence est essentiel pour permettre aux gens de se décharger et pour s’assurer que vous comprenez ce qui s’est passé afin d'améliorer votre service pour la prochaine fois. Il y aura une prochaine fois.
Les membres du personnel doivent également être contrôlés individuellement. Souvent, ces événements peuvent être traumatisants, et pas seulement pour ceux qui vont physiquement sur la zone sinistrée. Les membres du personnel peuvent avoir été touchés personnellement, avec des membres de leur famille en danger.
Après les samedi noir de 2009 lors feux de forets à Victoria, en Australie, des nombreux membres de l’équipe ont déclaré se sentir impuissants après avoir reçu des nombreuses appels téléphoniques de gens désespérés prisonniers dans les zones d'incendie.
Des années après les inondations du Queensland de 2011, l’équipe qui a couvert la catastrophe a signalé des symptômes de stress post-traumatique.
Il est important que le personnel et les managers puissent reconnaître les symptômes de stress dans leur équipe et disposent des outils ou des ressources pour les aider à les gérer.
Vous pouvez couvrir une situation d'urgence sans planification, mais votre couverture sera plus efficace et moins stressante pour votre personnel si vous avez un plan. Développez des relations externes avec les intervenants, mettez en place des moyens de communication au sein de votre organisation et assurez le bien-être du personnel par la formation, offrant un soutien au cours et à travers la conduite de comptes rendus efficaces.
Conseil pour des organisations humanitaires
Les organisations humanitaires doivent prendre en considération le public cible de l'information. Visez-vous la source d'informations et la fournissez-vous à vos gens sur le terrain pour diriger leurs efforts? Donnez-vous des informations aux médias ou au gouvernement? Communiquez-vous directement avec le public en utilisant des réseaux sociaux?
N’oubliez pas que si ce n’est pas vous qui dites aux gens ce que fait votre organisation ... qui le dit? Quelqu'un d’autre pourra ne pas être précis. Assurez-vous qu'il n’y ai pas de vide d'information.
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Pour plus d’information consultez Le « Checklist Manifesto » de Atul Gawande ↩